En exclusivité: Interview avec Zacharie Bababaswe, animateur de l'émission TV "Feux Verts"
Zacharie Bababaswe est un nom qu'on ne présente plus au public congolais en général et kinois en particulier . Il est l'animateur de l'émission TV "Feux Verts". L'émission "Feux Verts", qui est produite à partir de Bruxelles en Belgique, récolte un grand succès au pays grâce au style particulier de Zacharie Bababasue auquel le public kinois surtout s'identifie facilement. Zacharie Bababasue s'est confié à Congo Vision. Il parle de son émission "Feux Verts", de sa perception des polémiques autour desquelles l'émission est centrée, de la musique congolaise, de sa vie, et de son noble métier de journaliste-animateur qu'il adore.
Congo Vision
Congo Vision : Bonjour, Zacharie!
Zacharie Bababaswe : Bonjour, Sylvestre. Bonjour, Congo Vision
Congo Vision: Vous êtes un nom très connu dans le domaine de la musique chez-nous au pays même dans certains milieux africains. Mais qui est Zacharie Bababaswe?
ZB : Zacharie Bababaswe est né à Namur en Belgique le 15 Septembre 1964, fils de Wishiye Tshinyi Timothe, qui était un officier de génie militaire qui est mort sous le drapeau et en mission et de Bukumba Thérèse qui est couturière et qui est en vie. Je suis ainé d'une famille de 8 enfants dont 3 garçons et 5 filles. Eh, je suis diplomé d'Etat des humanités littéraires option latin- philosophie depuis 1983 et depuis 1989 gradué en pédagogie appliquée option histoire et sciences sociales de l'IPN (Institut Pedagogique National) et depuis 1994, je suis licencié en pédagogie appliquée option histoire (IPN).
Entre 1990 et 1999, j'ai pu obtenir plusieurs brevets et certificats dans les domaines aussi divers que variés notamment relations publiques, management, encadrement de l'enfance et de la jeunesse et depuis 1989, je suis chercheur independant en histoire de mentalités. Alors entre 1981 et 1982, du côté professionnel, je ne sais pas si on peut l'appeler ainsi, j'etais commandant des élèves de l'Institut Mapinduzi à Likasi au Katanga, meilleur acteur élu du theâtre scolaire pour la ville avec la piece l'Etudiant de Soweto du Tchadien Naïndouba Maondoe. En 1988, je fus élu au comité de la JMPR (Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution) section IPN en qualité de commissaire à l'idéologie. Et depuis 1990, je suis membre du conseil francophone de la chanson jusqu'à ce jour. Et entre 1988 et 1996, j'ai été président du club culturel "Pyramide Cheick Anta Diop" du départment d'histoire de l'IPN. Initiateur de la foire de l'enfant à la FIKIN première édition, et au parc botanique en face du Zoo deuxième edition en 1989. Je suis initiateur également du festival de musique de la nouvelle génération qui a vu naître la plupart des musiciens qui évoluent dans Quartier Latin, Academia, Nouvelle Ecriture, Zaiko, les wenge, bref la vague actuelle. Organisateur de la colonie de vacances à l'athenée de la Gombe pendant plusieurs années.
Je suis un des membres co-convocateur de la conférence nationale souveraine et délégué élu des étudiants de l'IPN à cet historique forum. Dès cette date, je fus élu par mes pairs comme président des étudiants de Kinshasa (REC en sigle) jusqu'à la fin de mes études. Entre 1993 et 1999, j'ai été producteur-animateur à la Radiotélévision nationale congolaise et après 12 ans de passage assidu et de collaboration à l'émission "Barza". Entre 1994 et 1996, j'étais membre du comité organisateur et directeur administratif de "Ngwomo Africa" qui est le grand prix panafricain de la chanson. En 1997, j'ai été conseiller technique chargé des loisirs au cabinet du ministre de la jeunesse, sports et loisirs. En 1998, j'ai été désigné vice-president de la fédération nationale de catch et depuis 1999, je suis le président de la fédération nationale des jeux en plein air. Et depuis 1999, je suis arrivé à Bruxelles à la suite d'une mise endisponibilité pour préparer une thèse de doctorat en communication et où j'évolue comme journaliste indépendant. Concepteur de l'émission TV "Polémiques générales", un programme basé sur "la kinoiserie" qui est devenue "Feux Verts" aujourd'hui à Kinshasa. Et depuis l'an 2000, je suis conférencier a l'Université Internationale de Bruxelles et producteur-animateur à Télé-Bruxelles et président de l'ASBL "Horizons Africains". Voilà ce que je peux dire en gros si on n'a pas été long.
Congo Vision : Très impressionnant! Au fait, l'émission "Feux Verts" qui est produite à partir de Bruxelles a un grand succès à Kinshasa. A quoi attribuez-vous ce fait?
ZB : C'est très simple. J'ai dû mener une étude à Kinshasa sur la mentalité du kinois et j'avais compris que le kinois était très impressionné par tout ce qui était de l'Europe. Le kinois s'intéressait à tous les aspects de la vie européenne. Lorsque je suis arrivé à Bruxelles, j'ai pu exploiter ce côté-là; c'est-à-dire la sape, l'alimentation, la vie de tous les jours, l'éclairage public, etc. Donc, C'est ça pour moi, je suis parti de la mentalité du kinois et j'ai fait ce que le kinois aimait. Voilà le résultat aujourd'hui: mon émission est la première et moi-même meilleure star télé 2000 au CONGO .
Congo Vision : Quel est l'objectif visé par l'émission "Feux Verts"?
ZB : L'objectif est tout à fait simple: quitter la kinoiserie vers la kinicité: en clair , d'abord présenter l'Europe aux kinois dans des termes, dans un langage, dans un style propre aux kinois en vue de banaliser certains mythes et arriver à amener le kinois à se faire une autre idée que celle vehiculée depuis plusieurs années par "les mikilistes". Donc, quand je passe à la télévision, je vise toutes les couches de la vie kinoise du cireur de Rond-point Ngaba ou du vendeur de cacaoette de Masina ou du couturier de Bumbu à l'intellectuel de Binza, de telle sorte que tous se retrouvent. Donc, c'est une émission de tout le monde. Donc, je la présente dans un style kinois, dans un langage kinois (Indoubil), je parle de l'Europe aux kinois. Et de deux, j'essaie de présenter les différentes façades de la vie européenne aux kinois afin qu'ils décident d'eux-mêmes pour voir s'ils peuvent venir ou pas.
Congo Vision : Comment se porte la musique africaine en général et la musique congolaise en particulier en Europe?
ZB : Je dirais que la musique africaine se porte très bien grâce à la musique congolaise qui, elle, va très bien...va nettement mieux. Nous avons une musique qui marche très très fort. Nous sommes le numero un. Il suffit d'écouter toutes les radios périphériques à travers le monde lorsque l'on met la musique africaine s'il y a dix morceaux, neuf sont des morceaux congolais. Donc, notre musique avance énormement et surtout qu'aujourd'hui le business a rejoint cette musique. Donc, nous avons une musique qui marche très très fort et sa santé est au beau fixe.
Congo Vision : Comment contribuez-vous à la promotion de la musique congolaise à l'étranger?
ZB : Par "la polémique" qui est une orientation voulue et créée par BABABASWE. Grâce à cette méthode, nos artistes ont dû se surpasser et ont conquis des salles jusque-là réservées aux autres. La polémique n'est pas synonyme d'injures, de querelles, de guerre, mais c'est plutôt un débat d'idées au cours de laquelle chacun essaye d'exhiber ce qu'il a et que les autres n'ont pas. Il faut dire que nous contribuons à ce que notre musique soit connue en Europe. Imaginez-vous que à part Papa Wemba, on ne connaît personne d'autres, je ne categorise pas ici les gars tels que Lokua Kanza et Ray Lema qui font tout à fait autre chose. Pour cela, nous avons sollicité puis obtenu la production et la diffusion d'un programme intitulé " Mputuville " qui passe sur télé Bruxelles et qui fait la promotion de la culture et de l'art congolais principalement et africain en général. La musique doit sortir du gheto pour mieux nourrir son homme, car lorsque nos musiciens arrivent en Europe, c'est pour le public congolais qu'ils jouent. Les gens viennent nombreux au concerts mais ils achetent de moins en moins la musique. Donc, il y a aucun musicien congolais qui a vendu 100.000 exemplaires, il y a aucun.
Congo Vision : Vous en connaissez la cause?
ZB : La cause, c'est très simple. Nous aimons pirater, nous aimons prendre et copier. A l'ère de la technologie, les gens veulent bien venir au concert mais pour acheter, ils n'achètent pas. Ils préferent demander des cassettes chez des voisins au lieu d'acheter les disques.
Congo Vision : Et quelle est la solution, à votre avis?
ZB : La solution, c'est qu'il faut une grande mobilisation pour pousser les gens à acheter les oeuvres des musiciens pour leur permettre de vivre décemment. Parce que chez-nous, nous déplorons toujours lorque les musiciens meurent, on sent que pour la plupart, ils meurent dans une pauvreté extrême. ça fait en sorte que nous ne soyons pas à mesure de les enterrer convenablement. Je crois qu'il est temps que nous puissions acheter les oeuvres de ces musiciens pour leur permettre une fin de jours meilleure...
Congo Vision : Quels sont vos rapports avec les musiciens congolais?
ZB : Bon, les rapports sont parfois tendus parfois bien mais je crois que tout cela est dû au style qu'avaient imposé nos ainés parce que vous savez que le journaliste congolais en général ne gagne pas grand chose; ce sont les musiciens qui les nourissent. Alors lorsqu'un jeune débarque avec des nouvelles idées de protestation, de contestation, de remise en cause...je crois que ça ne peut que créer des problèmes. C'est ainsi qu'il y a eu de problèmes notamment avec Koffi Olomide, avec Papa Wemba un certain moment, avec Nyoka Longo un certain moment, avec JB Mpiana un certain moment...On a eu ce genre de problèmes parce qu'ils voulaient bien que je joue au chantre plutôt que de jouer au journaliste. Et on ne s'est pas mis d'accord. Ils ne pouvaient pas concevoir comment je ne suivais pas la ligne de conduite tracée par une tradition de mes ainés. C'etait la guerrilla mais je pense qu'aujourd'hui tout le monde a compris que j'étais sur la bonne voie. Papa Wemba m'appelle "molangi ya pembe" et Koffi "l'homme averti", JB" créateur des stars",...
Congo Vision : Et tout marche très bien maintenant?
ZB : Dire très bien, c'est trop dire. Il y en a qui continuent à bouder mais moi, je continue à faire mon travail, à donner l'information parce que l'information est sacrée et le commentaire est libre. De toute manière, je n'ai pas besoin de savoir si cela plaît ou ne plaît pas aux musiciens.
Congo Vision : Quel est le personnage historique auquel vous vous identifiez?
ZB : Ils sont nombreux mais principalement j'aime beaucoup Cheick Anta Diop.
Congo Vision : Et votre artiste-musicien congolais vivant préféré?
ZB : Wendo Kolosoy. Il est extraordinaire...tout simplement
Congo Vision: Quel est le trait de votre caractère que vous déplorez particulièrement?
ZB : Le trait de mon caractère que je déplore? Oh, je ne sais pas si c'est vraiment mauvais mais je suis un peu impulsif.
Congo Vision : Pour parler d'autre chose, comment vous arrivez à concilier votre formation d'historien et la musique. Il faut dire que vous avez publié à Kinshasa dans votre domaine de formation. Est-ce que vous avez déjà pensé à écrire dans le domaine de la musique, par exemple?
ZB : Oui, j'ai deux livres en chantier. Le premier, c'est sur comment faire la promotion de la musique congolaise en Europe parce que nous remarquons qu'il y a beaucoup de groupes qui arrivent ici qui ne savent même pas où ils vont se produire, qui n'ont aucun calendrier, qui débarquent et qui arrivent pour un seul concert prévu et pour tout le reste, c'est vraiment de l'improvisation. Et il y a aussi beaucoup de producteurs qui ne savent pas à quelle date, à quel moment faut-il faire jouer un groupe congolais si bien qu'il y a beaucoup d'hommes d'affaires qui ont du fermer parce qu'ils ont fait venir des groupes à des moments qu'il ne fallait pas. Donc, ce livre permettra justement non seulement à ceux qui ne connaissent pas la musique congolaise à bien la connaitre mais surtout à savoir comment est-ce qu'on peut se lancer dans la production de la musique congolaise et pouvoir gagner de l'argent. Ca, c'est le premier. Le second, c'est sur l'histoire de la musique congolaise entre la troisieme et la quatrième générations, cest-à-dire entre 1969 et aujourd'hui.
Congo Vision : Une question assez personnelle. Prenez-vous autant de plaisir sur scène maintenant que vous travaillez à partir de Bruxelles que lorsque vous animiez des émissions à la television au pays?
ZB : Non, le pays me manque beaucoup. Parce que là-bas, il y a une autre chaleur mais il est vrai qu'ici nous avons dû progresser professionnellement...le boulot, la technologie et tout...mais la chaleur de Kinshasa me manque énormement.
Congo Vision : Vous qui avez le privilège de parler avec beaucoup de nos musiciens. Qu'est-ce qui est à la base des divisions parmi eux?
ZB : La jalousie et la non acceptation de l'autre, de son succès mais cet état de chose remonte à l'histoire de notre musique. J'ai mené une étude tout à fait banale. Depuis 1947, date à laquelle on peut dire que la musique congolaise (moderne) existe, il y a eu des scissions. Au fait, tous les dix ans à partir de 1947, il y a eu des scissions. C'est un constat assez bête mais qui tient. En 1947, Wendo Kolosoy se sépare de Bowane. En 1957, Dr. Nicko se sépare de Grand Kalle. En 1967, Esou Jean Serge se sépare de Kallé. En 1977, Papa Wemba se sépare de Mavuela, c'est la creation de Viva-la-Musica. Papa Wemba est chassé pratiquement. En 1987, c'est la scission de Zaiko. Donc Nyoka Longo se sépare de Bimi Ombale. En 1997, Werrason et JB Mpiana se séparent. Donc, il arrive que tous les ans, lorsque notre musique a progressé et qu'elle se confirme il y a toujours de scissions qui se font sur des bases différentes. Donc, ce qui fait que notre musique aussi puisse évoluer parce qu'il y a la concurrence...Et chaque fois, c'est sérieux. Par exemple quand Nicko et Kallé se sont séparés, c'etait très sérieux. Lorsque Bimi se sépare de Nyoka Longo, c'est encore trés sérieux. Lorsque Werrason et JB Mpiana se séparent, c'est un problème national. Donc à chaque étape, nous revenons tous les dix ans pratiquement sans compter les scissions intermediaires. Mais tous les dix ans, nous avons en quelque sorte une sorte de murissement de la musique et de la culture congolaises qui fait en sorte que des artistes qui tiennent le porte étendard se séparent pour pousser, créer d'autres stratégies et ouvertures.
Congo Vision : Avez-vous un conseil à donner à nos artistes-musiciens?
ZB : C'est de bien travailler et de savoir qu'aujourd'hui la musique congolaise est très combattue et que c'est une musique pauvre, qui n'est pas soutenue; donc qui n'a pas de moyens mais quelques artistes qui émergent le sont par leurs propres moyens. Nous avons beaucoup de talent au Congo. Ils doivent savoir qu'ils sont porteurs du message pour leur pays et pour leur peuple. Ils sont aujourd'hui les seuls ambassadeurs acceptés à travers le monde . Donc, qu'ils puissent parler de leur pays, de la situation de leur pays et pousser leurs dirigeants à se conformer aux réalites du siecle présent.
Congo Vision : Si vous devriez renaitre aujourd'hui. Sous quelle forme voudriez-vous revenir sur terre? (rires)
ZB : Je reviendrais moi-même.
Congo Vision: Votre mot de la fin?
ZB : Une question que j'attendais, c'était pour parler de la polémique. On dit que je suis spécialiste en polémiques. Je répèté que la polémique n'est pas synonyme d'injures ou de querelles mais la polémique nous a conduit à là où notre musique est arrivée aujourd'hui. Il s'est avéré que nos musiciens ne voulaient pas se parler entr'eux pour des futilités; moi, j'ai préféré commencer à parler de ces choses-là sur la place publique. Et cela a été interprêté comme si c'est moi qui poussais les musiciens à ne pas s'entendre. Alors, j'ai posé plusieurs fois la question aux gens: avez-vous déjà vu Bozi Boziana se saluer avec Ben Nyamabo? Ou Emeneya parler avec Koffi? Le jour que Zacharie dira que Ben Nyamabo ne parle pas avec Bozi, qu'on ne dise pas que c'est Zacharie qui les a poussé à ne pas se parler. Parce que quand ils ne se parlent pas aujourd'hui personne ne s'y intéresse. Lorsque moi, je vais aller pousser, comprendre pourquoi Nyamabo ne parle pas avec Bozi ou pourquoi Papa Wemba est fâché contre JB Mpiana ou que Koffi est fâché contre Wazekwa on dira "zacharie aluki polémique". Donc, la polémique, c'est une très bonne chose pour notre musique. De un, ça nous pousse à connaitre la vérite. Deux, ça pousse nos artistes à travailler et à créer de belles oeuvres. N'eut-été la polémique Koffi ne se serait pas produit à l'Olympia ni à Bercy. N'eut-été la polémique, Werra ne se serait pas produit à Bercy et Adolphe Dominguez n'aurait pas osé faire ce qu'il a fait dernièrement à Kinshasa. Donc, la polémique est une très bonne chose.
Mon dernier mot, c'est que je voudrais informer tous ceux qui nous entendent ...nous entendent ou nous lisent?
Congo Vision : Ils vont nous lire.
ZB : ...J'informe tous ceux qui vont nous lire que Zacharie Bababaswe est désormais installé à Bruxelles où il a monté une structure qui s'appelle " Horizons Belgo-africains ", une structure qui s'occupe de la production audio-visuelle, de la promotion culturelle, de la correspondance de presse, du conseil en communication et de l'édition et que cette structure permet justement de faire le relais entre le pays et le reste du monde.
Congo Vision : Nous vous remercions d'avoir accepté de nous accorder cette interview. Propos recueillis par Sylvestre Ngoma, Congo Vision
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