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L'innovation  : Pour une Economie du Savoir et Créatrice d'emplois en République Démocratique du Congo

1. Introduction

•  Par définition, innover consiste à produire du nouveau. L'acte innovateur porte soit sur le produit ou sur les processus de production et de gestion, ou sur tous ces éléments à la fois. Précisons que l'usage récurent du concept d'innovation dans le domaine de la production et de la compétitivité commerciale est récent, mais celui-ci a toujours été sous-jacent à la recherche et au développement technologique. Convenons que l'amélioration est son synonyme. Ce choix inscrit notre application du concept sur le terrain qualitatif et rejette l'idée d'une innovation qui tendrait à produire du nouveau pervers, parce que l' innovation est générative de performance et puisque celle-ci est son principe et fondement.

•  Dit autrement, poser la question de l'innovation consiste à demander ce que l'on peut faire pour améliorer. La réponse est théorique et pratique, dans la mesure où elle porte sur une nouvelle vision, sur une nouvelle manière de mettre en œuvre et sur une nouvelle manière d'évaluer les résultats et les processus qui les précèdent. L'innovation est donc une application du savoir acquis en vue de savoir davantage. En ce sens, elle est dynamique et dynamisante et son champs d'application sans limite. Nous l'appliquerons ici sur la problématique de la relance de l'économie de la République Démocratique du Congo. Celle-ci se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins et tarde à percevoir la nécessité de bâtir une économie basée sur le savoir, une économie génératrice de bien-être pour ses habitants.

•  L'enjeu de la démarche innovatrice en République Démocratique du Congo consiste à mettre en place une économie qui « exploite » le potentiel disponible, par le savoir en vue de garantir la richesse et le bien-être à ses habitants. Sous cet éclairage, nous proposons ici d'ouvrir le débat sur les enjeux de l'innovation économique congolaise. Nous nous épargnons de la présentation des raisons et de l'état de l'économie du Congo. Nombre sont les rapports et des études documentés à ce propos. Tous convergent à dire ou à démontrer combien l'immensité des ressources naturelles contraste avec l'abîme de misère inouïe dans laquelle vit la population. Voici un pays qui a plus que le nécessaire pour garantir du bien être à tous ses habitants, mais dont la faillite est inversement proportionnelle à son potentiel. En termes de potentiel, il est rangé parmi les dix premiers, mais classé parmi les dix pays les plus pauvres de la planète.

•  Parler d'innovation dans ce contexte est un pari, dès lors que les acteurs principaux ne semblent pas être conscients de leurs rôles et ce qu'ils doivent faire. Pourtant, le potentiel disponible - constitué de 60 millions d'habitants et des ressources naturelles jugées scandaleuses- constitue un facteur facilitateur. Il resterait alors à fournir un minimum d'efforts et une volonté d'avancer pour se rattraper et ensuite décoller pour une économie compétitive. La République démocratique du Congo ne pourra jamais offrir du bien être à ses habitants, si elle ne répond pas aux exigences ci-dessous.

1) adhérer et cultiver un esprit innovateur ;

2) remettre en question les politiques et les pratiques économiques du passé ;

3) mettre en place une stratégie du bien être pour tous.

•  Nous abordons ces points en essayant de poser des jalons d'approfondissement.

2. Une innovation d'esprit et economie basée sur le savoir.

•  La faillite actuelle serait moindre si l'élite et les acteurs congolais pouvaient déjà accepter que la situation du pays est tragique. On espère que ce constat partagé susciterait une révolte intellectuelle et l'engagement d'agir sans complaisance un vue d'inverser la dynamique de régression. Dans ce sens, la première innovation exigible aux congolais est un changement de mentalité. Il est incompréhensible que nombre d'entre eux se disent modernes ou brandissent les meilleurs des diplômes sans pouvoir s'obliger à agir dans la modernité. Si les intellectuels et les hommes politiques investissaient la même énergie et la même intelligence -qu'ils utilisent pour corrompre et détruire-, le pays ne connaîtrait pas des indicateurs de développement humain qui reculent à tous les niveaux. Alors que l'espérance de vie s'accroît ailleurs dans le monde et dans les pays aux ressources limitées, le Congo est un des rares pays où elle à recule en galoppant de 53 à 43 ans sur une période de 10 ans. La misère congolaise est de bout en bout un problème d'homme, de ses femmes et hommes qui agissent comme s'ils avaient choisi de laisser leur destin s'éteindre avec le temps.

•  Le réveil, s'il advenait, se heurtera à des exigences de mise à l'état. Le niveau de délabrement est si grand qu'il faudra en un premier temps des efforts de rattrapage, une sorte de marche vers la case de départ, vers la moyenne des indices de développement humain, ou à défaut vers un écart-type raisonnable. Je souligne que ce réalisme reste minimaliste pour un pays dont le potentiel est largement au dessus de la moyenne. Pour survivre le congolais doit comprendre qu'il n'y a pas d'alternative à l'exigence de changement de mentalité. Il doit adhérer et cultiver un esprit d'innovation permanente.

•  Il est urgent de construire un système économique reposant sur des méthodes modernes : une vision moderne, un travail de recherche fondé sur des données statistiques à jour, assurer une veille technologique et un suivi de l'évolution d'indicateurs ou « paramètres vitaux de l'économie ». Les quatre mots clés d'une économie du savoir sont « avoir une vision », « une collecte systématique des données statistiques », « des études de projection », « une mise en œuvre audacieuse » et « des évaluations permanentes ».

3. Revoir les Politiques et pratiques économiques du passé.

•  L'entrée du Congo dans le concert des nations modernes s'est passée sous la forme de colonisation dont l'objectif était fondamentalement spoliateur. Le roi Léopold II exploitait des ressources congolaises pour son enrichissement personnel. Il construira des infrastructures à son dessein. Parler d'une économie extravertie et de développement pour des indigènes, c'est cacher, à ce niveau la réalité d'une économie de pillage. L'état belge et le régime Mobutu poursuivra des pratiques au service de cette politique de pillage.

•  Les héritiers de l'indépendance n'ont rien fait pour changer cette politique et des pratiques qu'elle engendre. L'économie congolaise est restée une économie de bradage, où l'extraction des ressources naturelles est au service des puissances étrangères. Un pillage par congolais interposés. Le comble est l'avilissement intellectuel de l'élite et des dirigeants qui n'ont jamais ouvert le débat sur la politique économique post coloniale. Toutes études que j'ai vues, toutes les analyses et tous les projets pour la relance économique congolaise ont toujours indiqué comment exploiter les richesses du sous-sol en vue de les vendre à l'exportation. On ne compte pas le nombre de thèses de doctorat en économie et des publications prétendues savantes qui sont une reformulation argumentée de la conception léopoldienne du pillage des ressources du sous-sol de ce pays. Il faut sortir de la logique de pillage et de bradage.

•  Illustrons ce point. Il est partagé par tous que les échanges économiques exigent des moyens de communication (routes, ports, etc.) adéquats. Léopold II et les siens en avait construit dans l'objectif de pillage. Leurs tracés et installations répondaient à cette finalité. Ceci se vérifie au Congo par le fait sous la colonisation, les routes, le chemin de fer allaient des zones d'extraction minières ou cueillette d'essence rares à l'intérieur du pays vers Kinshasa (point de conditionnement) et les points de sorties vers l'extérieur (ports de Matadi et de Boma). Que je sache, personne n'a jamais mis en question cet itinéraire.

•  Pourtant, il serait plus intelligent et plus rentable de réfléchir sur les voies de communication qui facilitent les échanges nationaux, des routes qui relient des villes et des villages et à l'occasion des voies d'acheminement vers le port. Il s'agit de changer de politique sous-jacente aux infrastructures. Penser à la mise en place d'infrastructures favorisant (non pas l'exportation, mais) des échanges intra nationaux d'abord. Logiquement, les pratiques économiques s'aligneraient à cette nouvelle vision. Dans une économie au service des nationaux, les matières premières doivent converger vers l'industrie de transformation à l'intérieur du pays et les voies de communication faciliter les échanges des biens nationaux.

•  Dans le même chapitre des politiques économiques, relevons que l'idée même d'extraction et de commercialisation des ressources naturelles continuent à s'inscrire dans l'économie de pillage. On perd de vue le fait que l'abondance des ressources naturelles n'exclut pas qu'elles épuisent ou que leurs cours de vente sont aléatoires. Il n'est pas responsable que des gouvernements successifs établissent leurs budgets en comptant massivement sur les recettes de la vente des minerais et des essences forestiers.

•  L'abondance et la diversité des matières premières devraient stimuler l'éclosion d'une industrie de transformation, de création de valeur ajoutée et d'emplois. L'économie congolaise serait alors compétitive avec un avantage démesuré. La rentabilité serait inégalable et les caisses de l'état seraient mieux servies.

4. La perspective stratégique.

4.1. Définir une stratégie.

•  Les enjeux du développement et d'amélioration des conditions de vie de nos compatriotes demandent une vision stratégique claire. Celle-ci doit comporter une vision ambitieuse de la place de la République Démocratique du Congo dans le concert des puissances, des objectifs clairement définis, une stratégie intelligente, des actions appropriés. Et pour sa mise en œuvre, la détermination des indicateurs et des mesures de références permettant de piloter les facteurs de réussite.

•  L'inscription dans le concert des nations exige de se fixer une vision de sa propre place dans le monde, prendre son destin en mains, sinon ce sont les autres (puissances) qui la définissent. Et ceux-ci la définissent en vous asservissant à leurs desseins. Il convient donc pour les congolais d'abandonner l'enfantillage qui consiste à demander aux puissants de ce monde régler pour eux leurs propres problèmes (de les aider à s'entendre). La recherche permanente de parrains traduit un manque d'émancipation politique et intellectuelle. Devenir adulte et l'obligation de se prendre en charge convoquent à avoir une ambition et nouer des alliances qui ne trahissent pas son propre destin.

•  Aux regards de son potentiel, le Congo a besoin de se fixer des ambitions et de se mobiliser pour les réaliser. A l'opposé, le défaitisme et l'asservissement de l'intelligentsia sont fort dommageables non seulement aux congolais, mais aussi à l'humanité entière, qui se voit retardée, qui doit souffrir la charge d'une élite irresponsable et sans ambition (nombreux chefs d'état ont dû parfois sacrifier leurs obligations nationales pour aller concilier des congolais paralysés par des querelles enfantines et quand celles-ci semblent). Pourtant ce pays porte en lui un potentiel susceptible de le rendre une locomotive de l'économie mondiale. Pour assumer et déployer ce potentiel, il lui faut une stratégie, une élite mûre et intelligente et des actions technologiques concrètes.

•  L'innovation mentale et la recherche technologique sont des outils susceptibles d'aider le Congo à fixer des ambitions à la hauteur de l'immensité de ses ressources et à œuvrer méticuleusement pour leur réalisation. Il y a là une dialectique qui se traduit par la détermination d'ambition des plus grands et le devoir de la réaliser par des actes concrets. Pour ce faire, il faut de l'imagination, de la sagacité et de la discipline de la part des acteurs congolais qui auront la ferme résolution de ne plus subir leur destinée ou qui ouvrent pour une économie pourvoyeuse de bien-être.

4.2. L'insertion dans son environnement

•  La définition de la stratégie de relance économique et de bien-être national ne peut être réaliste que si elle tient compte ou se laisse informer par l'environnement national et international. Nous partageons un même univers et des mêmes besoins. La réponse des autres nations peut nous inspirer, leurs échecs nous indiquer des chemins à ne pas prendre ou des défis à relever et leurs attentes comme des opportunités. A ce propos, examinons deux cas concrets : la sauvegarde de forêt sous le signe de responsabilité vis-à-vis de l'humanité et la création des emplois comme création de valeur.

4.2.1. La sauvegarde de la forêt tropicale.

•  Suite aux effets du réchauffement de la planète, la communauté internationale et les scientifiques s'inquiètent des changements climatiques et de ses conséquences à court et à long terme. La sauvegarde de la forêt équatoriale dont le 4/5 e se trouve sur le territoire de la République Démocratique du Congo (Rd.Congo) devient alors un enjeu plus que national. D'une part, située sur l'équateur, elle sépare l'Afrique du nord de l'Afrique australe en constituant une zone centrale autour du Congo-Kinshasa.

•  Au Nord de la forêt se trouve le désert du Sahara, qui tend généralement à s'étendre. Si l'Afrique centrale et australe n'est pas encore gagnée par le désert, c'est grâce à la densité de la forêt. Dans ce sens, la régulation des cycles climatiques d'Afrique dépend grandement de la forêt congolaise. A une période d'inquiétude écologique, la Rd. Congo devrait alors réfléchir sur sa gestion de cette forêt dont dépendent non seulement ses habitants, mais aussi tout le continent. Il y a là comme un appel de l'humanité entière.

•  La sauvegarde de son écosystème unique et diversifié devrait constituer un enjeu stratégique exigeant des engagements de l'état congolais et des efforts en matière de recherche et développement. La recherche à ce niveau doit porter sur des actions d'optimisation de son potentiel. Il s'agirait par exemple d'introduire d'essences susceptibles de maximiser la régulation des climats et la fertilisation des sols voisins. On se souviendra que les zones proches en Afrique de l'Ouest et de l'Est sont soumises à des cycles de sécheresse inquiétante. Le Nil qui irrigue des sols d'Egypte et de Libye prend sa source dans la région des grands Lacs dans une région écologique dépendante du climat équatorial.

•  Le Congo lui-même n'est pas à l'abri d'effets pervers d'une mauvaise gestion ou l'absence de gestion de la forêt équatoriale. Suite à la déforestation, les terrains cultivables deviennent de plus en plus pauvres ou éloignés des villages. Les paysans doivent alors aller implanter des champs plus loin de leurs habitations...éprouvent des difficultés d'acheminer leur récolte dans les villages respectifs, les cycles climatiques et les niveaux des eaux dans les affluents se trouvent perturbés.

•  D'autre part, la mauvaise gestion de la forêt a des impacts sur la qualité et la quantité des aux du fleuve Congo. Celui-ci traverse le pays du Sud vers le Nord et de l'Est à l'Ouest. Des peuples y pratiquent la pêche et y navigue. Tout déréglément des eaux ou pollution pourrait avoir des conséquences sur la pèche fluviale. La résurgence des maladies est toujours possible.

•  Et quand le fleuve est sur le point de se jeter dans l'océan Atlantique, il passe par des chutes, où la Rd. Congo a construit le barrage hydro-électrique d'Inga. Ce barrage produit de l'électricité pour toute la ville de Kinshasa (6 millions d'habitants). L'industrie minière et la ville de Lubumbashi (2 millions d'habitants) à de l'extrême Est du pays sont alimentées en électricité à partir de ce barrage. La sauvegarde de la forêt permet au Congo d'assurer la régularité du niveau des eaux du fleuve et de se garantir une production adéquate d'électricité. Ce point est d'actualité dans la mesure où il est admis que les pour les prochaines années, le contrôle du marché des énergies constituera un enjeu économique indéniable.

•  La gestion de la manne naturelle du barrage hydro-électrique d'Inga demande aussi une vision et une innovation des « process ». Les spécialistes estiment que le barrage a un potentiel pouvant alimenter en électricité plus de douze pays autour de la Rd. Congo. Commençons par dire que les congolais n'ont pas hélas tous l'électricité dans leurs maisons. En outre, suite à une mauvaise gestion caractérisée, la puissance du barrage fait l'ombre de lui-même. Le défaut d'entretiens et de politique commerciale fait que sa production n'a jamais été optimisée.

4.2.2. L'innovation pour le bien-être et pour la création d'emplois.

•  A tout niveau de son application, l'innovation est générative de performance. Celle-ci se traduit par l'amélioration des conditions de vie des gens dans la mesure le produit de l'innovation est un produit à valeur ajoutée. Comme la production de bonne qualité exige de la créativité, nos ingénieurs et autres créateurs se trouve valorisés par tout soutien à l'innovation. En encourageant l'esprit d'entreprise, il y a comme une promotion à la dignité de l'entrepreneur créatif

•  Nous avons insisté sur la nécessité (obligation) de convertir l'actuelle économie d'extraction en une économie de création de richesse. Pour ce faire, la formation et l'esprit d'entreprise sont indispensables. Dans une perspective d'une économie basée sur le savoir, la Rd Congo doit investir massivement dans la formation d'ingénieurs et dans la recherche technologique. Elle doit en outre stimuler l'esprit d'entreprendre et soutenir les petites et moyennes entreprises, qui sont des lieus où l'innovation et la performance sont des valeurs permanentes.

•  En outre, le soutien à la libre entreprise permettrait de créer des milliers d'emplois et de résorber le chômage dans un temps record. A ce propos, il est indispensable d'ouvrir les horizons des opportunités ou du possible, stimuler et donner aux universitaires le goût d'entreprendre et de les accompagner de la création à la gestion courante d'une entreprise. A mon avis, l'état devrait mettre en place une politique ambitieuse pour a la création d'un réseau de petites et moyennes entreprises.

•  Celles-ci sont créatrices de bien être en valorisant les entrepreneurs, d'une part, en créant de la richesse nationale et des emplois directs et indirects, d'autre part.

5. Conclusion

•  Récapitulons, nous avons démontré que dans le contexte congolais, l'innovation est une condition de vie et d'ouverture pour une stratégie nationale et internationale. Elle est une condition de performance économique. La République Démocratique du Congo devrait y trouver son chemin afin de bâtir un système économique basé sur le savoir et qui créateur de valeur, que ce soit en termes de richesse ou en termes d'emplois.

Par Albert CIRIMWAMI MALEKERA
E-mail: acmalekera@yahoo.fr

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