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LE PHENOMENE “MABANGA” OU DEDICACES DANS LA MUSIQUE CONGOLAISE : UN PHENOMENE DE SOCIETE OU UNE SOCIETE DES PHENOMENES.

Par Norbert X MBU-MPUTU

Dans leurs analyses sur la société africaine post-coloniale, Jean-Marc Ela ( Ma foi d'Africain , 1985 ; Voici le temps des héritiers , 1982 et L'Afrique des villages , 1982) et Achille Mbembe (Afrique indociles, 1988) notent que, devant un Etat défaillant et totalitaire, les populations africaines usent souvent des détours de la parole et de l'imagerie verbale pour rendre coup sur coup aux pouvoirs en place. L'humour et la raillerie deviennent des outils de la résistance, de l'opposition et même parfois une victoire contre le système imposé par les nouveaux maîtres des soleils des indépendances qui sont pires que les colons. Les écrivains africains de la génération anti-colonialiste se sont aussi inscrits dans cette logique. Le verbe qu'il utilise devient celui d'une littérature pirate, pour reprendre la définition de Césaire : une langue apprise broyée et pliée par les contours et le symbolisme de sa langue maternelle et du village, selon la phrase Senghor pour qui l'émotion est nègre tandis que la raison hellène . Ferdinand Oyono, Sembene Ousmane, Mongo Beti, Ahmadou Kourouma, Guy Tirolien, Jacques Roumain, pour ne citer que ceux-là, sont ces maîtres de l'art oratoire africain transposé sur le papier blanc avec de l'encre noire. Puis, les échecs de nouvelles démocraties aussi, surtout autour des années 90, les mêmes causes produisant les mêmes effets, passent par la même épreuve de feu. Les nouvelles démocraties et surtout les rebellions, pire que les dictatures et la colonisation, sont traitées avec des mots crus et des peintures burlesques. Si les rebelles sont surnommés des « grenouilles incirconcis » par les populations des villages Congolais (Voir le pamphlet de Norbert Mbu-Mputu, Les grenouilles incirconcis, 2003) , les descriptions des incongruités que sont les rébellions et des dictatures sont à peine voilées chez Charles Djungu Simba (On a échoué), Sony Labou Tansi (Je soussigné Cardiaque, La vie et demie) et surtout chez Ahmadou Kourouma revenu avec « Allah n'est pas obligé » (2001) et « En attendant le vote des bêtes sauvages » (2000). La société prend ainsi avantage sur le négatif en le ridiculisant. Comme le diraient les Latins : Castigat mores ridendedo.

Hélas, devant la répétition des crises et des souffrances et le sentiment défaitiste de ne plus s'en sortir, il sied de penser et de proposer qu'il est possible d'observer une seconde attitude qui peut aussi se manifester auprès des populations : la résignation et l'acceptation de sa situation précaire comme étant normale, originale, existentielle. Le commun des mortels voire les pouvoirs d'oppression recourent ainsi volontiers à la religion par exemple, pour faire avaler aux chrétiens que, contre cette situation, Dieu seul devient la seule alternative. Tout effort de vouloir s'en débarrasser est vain. La religion devient ainsi un opium pour le peuple, pour reprendre la critique de Karl Marx. Et, avec la religion, d'autres idéologies, genre parti unique, propulsent ainsi l'élu, le président, au degré le plus élevé de messie, ne pouvant être ni contesté, encore moins contredit. Aussi, puisqu'il est de la nature de l'humain d'éviter l'usure et la répétition d'un comportement, pour éviter d'avoir honte de lui-même, surtout lorsque le comportement est une négation de lui-même, la résignation peut aussi se transformer en la création des héros, role model , vers qui la masse tend à se conformer et à s'identifier. Ces héros négatifs ainsi crées deviennent ainsi une justification à la médiocrité et une excuse à « l'agir autre et négatif» du groupe. Il apparaît parfois une réciprocité et une symétrie entre l'individu propulsé sur le devant de la scène et le bas de la pyramide. Faute parfois de ne pouvoir créer réellement ses héros à qui il voudra se ressembler ou faute de ne trouver ces héros vrais qui pourraient l'aider à changer positivement, le commun des mortels peut recourir encore au langage, à la richesse de la langue et la parole, pour jouer ce rôle différent voire opposé au premier rôle évoqué par les deux sociologues, celui de la résistance et de la contestation. Les détours de la parole deviennent opium, tranquillisant, anesthésie. Ainsi, au lieu d'aider la population à lutter, à résister, à combattre, ces créations du langage l'aident à se complaire dans ces illusions qui lui procurent satisfaction. Fatigués de résister, l'imagerie et le langage collectif commencent ainsi à se créer des fantasmes et des schèmes qui deviennent pour lui des substitutions. Il invente des héros, mais qui en fait n'en sont pas réellement. Il le sait en fait en toute conscience, mais le fait du matraquage et du lavage de cerveau, par les slogans et les cris, accompagnés des privations de sommeil, peuvent anéantir ses capacités de résistances mentales, enfouillant ces valeurs anti-valeurs, ces héros non-héros dans son subconscient. La substitution et la recherche de la ressemblance peuvent devenir inconscientes, involontaires voire automatiques. D'ailleurs, très vite, le nouveau héro, au lieu de rechercher à se distinguer par des actions d'éclat, pour avoir une place dans ce panthéon artificiel, copie le modèle voulu, devient faux-héros, n'incarnant plus les valeurs positives. C'est société qui devient une communauté upside down , à l'envers.

D'où la question : est-ce la société congolaise, luttant contre les dictatures depuis bientôt deux décennies, serait-elle contaminée par ce type d'agir qui, passant par le langage populaire, par les détours du langage, ne l'aide plus à combattre, mais plutôt à accepter la situation présente comme originel ? En fait, dans les premiers cas analysés par les deux sociologues, la population résiste et refuse, allant jusqu'à la marginalisation de l'Etat et des pouvoirs nouveaux, dans le second cas par contre, le langage devient moteur d'asservissement et aidant le commun des mortels à accepter la situation. Sachant le rôle joué par la musique aux temps de MPR parti-Etat, avec la célèbre MOPAP, avec ses slogans, ses chansons, nous nous sommes demandé si la chanson congolaise aujourd'hui n'est-elle pas, par hasard, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou involontairement, entré dans un tel processus ? Ceci surtout lorsque nous avions entendu Koffi Olomide reprendre, dans son dernier album, une mélodie empruntée des animations mpriennes de la triste époque. Aussi, nous sommes-nous attardé sur un des phénomènes célèbres de la nouvelle musique congolaise : les « mabanga » ou dédicaces. Car, l'impression serait que le soutien à la dictature serait entré dans le « moi » collectif et le subconscient congolais et risquerait de devenir, après les 32 ans avec Mobutu, sa seconde nature. Au point où, tout pouvoir qui ne développerait pas ces attitudes dictatoriales risquerait de se voir refuser tout quitus de la population. Ce n'est qu'un questionnement.

« Mabanga » - dédicaces

L'histoire nous fut reportée par un prêtre travaillant avec la communauté congolaise de Londres. Ce fut lors de la sortie d'un des derniers albums de Koffi Olomide. Il se trouvait dans un restaurant congolais lorsqu'ils se sont vus envahir par des cris de joie d'un quidam à qui Koffi avait consacré tout une chanson dans ledit album. L'heureux monsieur a fait irruption dans le restaurant avec un carton des bouteilles de champagne gratuitement distribuées pour fêter l'événement. Le monsieur, à ces propres dires, n'a pas déboursé moins de quelques centaines de pounds pour se voir ainsi chanter par Koffi. A entendre le fameux album, il est bourré des personnes ainsi sélectionnées ou « dédicacées », selon le jargon utilisé, jargon que nous userons aussi dans ce sens. Certes, il faudra appartenir à ce circuit-là pour connaître réellement ces personnes célébrées par des chansons.

L'exercice vaut la peine d'être essayé et l'on en sortira sûrement époustouflé et peut-être essoufflé : lorsqu'on écoute une chanson de la musique congolaise moderne, tenter de noter sur un bout de papier les différents noms, surnoms et sobriquets débobinés, chantés ou simplement cités. Pour être complet, il faudra en plus de ces noms, qu'on pourra même laisser tomber, inventorier plutôt et surtout les épithètes, attributs et compléments de ces noms . Le phénomène lui-même, c'est-à-dire ces noms et ajouts ainsi chantés, criés et nominés, connait en Lingala, la principale langue d'expression de la musique congolaise, le nom des “Mabanga” c'est-à-dire des pierres. Il fait allusion à ces pierres qu'on lancerait de loin et dont la chute produirait un grand brouhaha à faire attirer l'attention de n'importe quel quidam se promenant à côté. Tout est dit dans cette explication lorsqu'on rapproche l'explication avec ce dicton français qui dit que ce sont des tonneaux vides qui produisent toujours beaucoup de bruits . De là, on ne se tromperait pas à penser qu'entre les personnes ainsi « lancées » et « décriées », et la nullité il n'y aurait qu'un pas, car les personnes se trouveraient ainsi écorchées et dénudées. Dès lors, la question devient celle de savoir si c'est le phénomène « mabanga » qui influence la société congolaise, ou plutôt est-ce la société congolaise qui, de fait, se revoit rendre son ascenseur, étant devenu une société des phénomènes « nus » et « nuls », mais qui, ironie du sort, se distinguent par trop de bruits qu'ils font (pour rien et pour un rien) ? De toute façon, l'analyse serait incomplète si on ne se demande pas sur les leçons qu'on peut tirer du phénomène, permet-il d'analyser et de comprendre le Congo d'aujourd'hui pour aider ainsi à lui trouver un remède thérapeutique capable de l'aider à changer de cap ou de camp, à décoller et à virevolter vers une société de vrais phénomènes, c'est-à-dire des héros.

De la tradition à la modernité

Le phénomène certes n'est pas nouveau. Il prend ses racines dans l'Afrique traditionnelle même. Étymologiquement, « mabanga » provient de « kobwaka » (lancer, décrier le nom de, chanter les renoms), le fait pour un griot, un chanteur, de pouvoir citer, entre ses vers et ses strophes, les noms de ces intimes, ses amis et souvent les femmes dont l'effet inspiratrice est une vraie muse pour l'artiste. Puis, les artistes vinrent souvent à « kobwaka » aussi leurs mécènes au nombre desquels des riches. Ceux-ci aussi soutenant l'art pour l'art, pour sa beauté et pour son usage par la communauté, n'avaient pas besoin de se faire une publicité, puisque eux-mêmes étant déjà un sujet de publicité par leurs nombreuses femmes et enfants et surtout par leurs réalisations sociales. A ces mécènes de circonstance, il faudra ajouter les rois et empereurs et chefs des terres dont la fonction exigeait aussi d'un soutien aux artistes de la contrée et souvent, pour les dynasties, les artistes en étaient dépositaires des secrets et des épopées et des généalogies. Ainsi chantée, la personne est un vrai héros, une célébrité ressemblant à un cancrelat qui, même s'étant enduit d'huile de palme, ne passera jamais inaperçu devant une poule, comme dit le proverbe. Parmi ces célébrités chantées, il faudra mentionner la mère et le père des jumeaux et surtout mes jumeaux eux-mêmes.

Une fois transposé dans la société congolaise moderne, le phénomène connait quelques transplantations incroyables, ressemblant aux hérésies culturelles.

De Tango ya ba Wendo aux politiques

Faisant fonction des pionniers dans la musique congolaise moderne, la période bien connue de « Tango ya ba Wendo » (La génération de Wendo et consorts) avait aussi l'habitude de chanter leurs muses, leurs mécènes et surtout d'immortaliser leurs héros. Essou Jean Serge est immortalisé par Jef Kallé, Marie-Louise est défiée par Wendo, Paul Kamba est pleuré par Wendo, pour ne citer que ces cas.

La transition s'est fait surtout avec la génération des Franco Luambo Makiadi, Tabu Ley Rochereau et Lutumba Ndomanueno dit Simarro, l'actuel représentant légal de la deuxième génération de la musique congolaise moderne. Cette génération va alors se tremper dans le politique en devenant troubadours des politiciens. En effet, Luambo et Rochereau commencent à immortaliser les héros : Lumumba, Martin Luther King, des chefs d'Etat comme Modibo, Mobutu, Senghor aussi se voient consacrer quelques chansons. Des amis aussi sont immortalisés soit par des titres entiers des albums et sont cités dans des tubes. Lutumba chante Teddy Kinsala, Mère Kusala, tandis que Tabu Ley chante Maze, Memokin, etc. Les lieux célèbres d'ambiance aussi sont ajoutés sur la liste comme jadis furent chantés Café Rio et les autres. Dans Maya, Lutumba chante Exodus à Bandal, Le Village à Kingabwa. Mais, comme ses ainés et compères, les chansons de cette génération, belle poésie, ne se font pas étouffer par ces noms cités. Ils sont souvent chantés entre et dans les strophes. Puis, le fait de faire citer quelques noms simplement dans une chanson d'une dizaine de minutes fait vraiment que les personnes citées sont célèbres et se cherchent à se faire voir et rencontrer. Ils sont des héros.

Même la troisième génération représentée par Zaiko et inaugurée par les Trio Madjesi suivent scrupuleusement la leçon apprise des ainés. La musique étant faite pour danser, pour déguster la poésie, pour écouter, pour divertir. De la rumba, la Soukouss s'enchaîne dans la même lignée. D'ailleurs, Les Wenge Musica qui inaugurent la quatrième génération, en leur début, s'inscrivent aussi dans cette logique classique des “mabanga”. Ils ont chanté par exemple Teddy Kinsala, Nozi Mwamba, Hugo Ntazambi, Saddam Hussein, dans des strophes, sans étouffer l'art, la musique. Mais, quelque chose de nouveau allait changer surtout avec l'avènement des « Atalaku » par Zaiko Langa-Langa.

Les Atalaku

La troisième génération de la musique congolaise moderne représentée par les Zaiko, propulsent des acteurs nouveaux dans l'art de chanter et d'égayer : les Atalaku , les animateurs.

Si la rumba de « Tango ya ba Wendo » se fait gouter avec le célèbre sebene , déformation linguistique de severn , importé de Ghana par le célèbre Jimmy à la Hawaïenne, c'est-à-dire le faire pour les musiciens de laisser le plein chant se faire combler par les guitares et instruments percutés à fond et aux instrumentalistes de prouver leurs prouesses, aux chanteurs de reposer leurs voix et d'exhiber des pas de danses souvent saccadés, avec des danseurs sur l'esplanade surmonté du bar appelé “piste” . Pendant le sebene , ce sont plutôt les instruments qui se font secondés par les pas et mouvements rythmiques des chaussures frottant et raclant le pavement. L'effet est souvent envoûteur et harmonieux, avant de laisser les chanteurs de reprendre le chant pour le terminer. Un vrai atterrissage en douceur.

C'est pour combler ce vide des paroles que Zaiko Langa-Langa inaugura en 1982 les Atalaku, c'est-à-dire deux chanteurs dont le rôle était d'inventer des cris et d'entonner des petits refrains répétitifs pendant le sebene . Jouant les maracas et dansant eux-mêmes, les Atalaku sont de vrais régulateurs des danses, aidant aux uns aux autres à savoir quand il faudra changer et passer d'un temps fort à un temps faible, ou tout simplement quand faudra-t-il reculer, retourner sur soi, virevolter, trémousser ou lancer des jambes et les bras dans un mouvement circulaire équilibré. La cplicité entre les « atalaku » et les instrumentalistes est parfaite. Les premiers « Atalaku » sont donc Nono Monzuluku et Bébé Manzeku et ils font danser le “zekete-zekete” , en plusieurs épisodes, et les autres chansons de la belle époque Zaiko. Ils se font consacrer, pour la première fois, dans le célèbre « Album au Japon » de Zaiko. Mais, les Atalaku font plus, ils font décrier quelques noms célèbres, sans pouvoir en faire une chanson entière. Ils sont célèbres autant que les musiciens et les instrumentalistes. Ils inventent des cris, ils en empruntent à la rue et aux folklores congolais.

Des Atalaku au générique

C'est Pépé Kallé Kabasele Yampanya qui inaugura ce qui allait devenir un nouveau genre dans la musique congolaise moderne : le générique. S'étant retrouvé au studio pour enregistrer un morceau nouveau aux rythmes antillais à la Kassav et à la Zouk Machine, Pépé Kallé, devant combler un vide des minutes pour compléter son album, eu la géniale idée de le combler avec des guitares et des instruments joués à fond et sans arrêt, secondés par des cris des atalaku. Du début à la fin de la dizaine de minutes, c'est Pépé Kallé secondé avec la guitare basse de Lofombo créa la chanson “Po Moun Paka Bougé” , une façon réussie de séduire les Antilles. Dans cette chanson, on danse sans arrêt et la danse n'est plus la Rumba ou la Soukous uniforme, elle devient mouvement, exercice physique, gymnastique, saut en hauteur, trémoussement, vibration, vrombissement. Nous sommes à la belle époque de « kwasa-kwasa ».

Sans le savoir et sans le vouloir, l'improvisation de Pépé Kallé allait créer « le générique ». Ainsi, tous les albums venus ainsi après cet opus de Pépé Kallé se firent introduits par un morceau invitatoire désigné par le terme générique. La pratique est d'usage jusqu'à ces jours et le générique souvent donne son nom à l'album : Solola bien (Werrason), Internet (JB MPiana), Attentat (Koffi Olomide), Somo trop (Papa Wemba). Avec les génériques, ce sont ainsi les « Atalaku » devenus « animateurs » qui se voient ainsi propulser au premier de la scène. Ce sont eux qui font le générique, qui l'animent. Ce sont leurs cris qui font changer les pas de danses, secondés certes par les instrumentalistes. Avec le générique, les animateurs deviennent des artistes et personnes importantes parce que ce sont eux en fait qui ont comme fonction de pouvoir « kobwaka » (entonner, crier, combler les vides avec des cris divers). Ainsi les Jacques Ilunga, Koko Wene, Koko Wene, Tatu Kansebo, Titi Levaloir, Wilo Mondo, Kimpiatu, Kapangala, Ambassadeur Kijabrown, Saddam Hussein et tant d'autres connus et inconnus du grand public sont célèbres par les animations des chansons. Et ces animateurs, chapeautés par la nouvelle génération tenue des mains de maître par Kalonji dit Bill Clinton, Céléo Schrame, Gentamicine, pour ne citer que ces deux-là, se font plus populaires que les autres musiciens des orchestres.

Le dérapage

Dès ces moments-là, les animateurs ne font plus que « kobwaka » (lancer, décrier), mais ils commencent à rendre célèbres, ils commencent à nominer, à dédicacer, ils commencent dès lors à « kobwaka mabanga » (lancer des pierres). Tout homme aimant la gloire, disaient les anciens, les « mabanga » des animateurs ont commencé alors à se faire à se monnayer, à se vendre, à s'acheter. D'ailleurs, il se crée tout un business des « mabanga » car le musicien en quête des mécènes, force la donne en recherchant des « mabanga » à remplir ses poches voire à étouffer sa chanson. Toutes les personnes en quête de renom et de gloire de surface font huiler les animateurs pour se faire ainsi chanter. Ayant trouvé la trouvaille juteuse, les chefs d'orchestre eux-mêmes commencent à gérer et à censurer les « mabanga » et, pour bien gérer la chose, prennent la place des animateurs et commencent à « kobwaka mabanga » (lancer des pierres) en plein chant.

Dans une vidéo diffusée par la BBC, Papa Wemba par exemple se présente même avec une liste ainsi récoltée des sélectionnés qu'il doit citer dans ses compositions. Werrason résume la chose en ces termes : « Soki babengi yo naino te, kozala pressé te kondima présent. Quelle boule systématique ! » C'est faire gaffe que de se présenter avant de s'entendre nominé !). Sans connaître ces individus ou sans se demander sur la vraie teneur de leur popularité, l'artiste donne l'impression désormais de faire devenir célèbre. Le musicien est, comme le stipule un des sobriquets de Papa Wemba « Feridole » (faiseur des idoles) , le « Fula Ngenge » (celui qui engendre le renom), celui qui crée des idoles, celui qui montre le chemin et le schéma à suivre scrupuleusement. Le musicien s'enferme ainsi dans une illusion qui appauvri son art et sa chanson. Il force la société congolaise dans une société avec des célébrités de façade, certes. Car, le héros n'en est vraiment pas un. Il ne prend même pas la peine de le vérifier, mais l'atteste et fait sa publicité. D'ailleurs, c'est à peine si les personnes nominées ont un lien, comme jadis, avec l'inspiration et la muse de l'artiste. On assiste ainsi aux « zéhéros », pour reprendre le néologisme d'un écrivain africain. Il y entre aussi une vraie concurrence des nominés et des dédicacés.

Le phénomène des « mabanga » crée et engendre une vraie concurrence entre ces héros non-héros qui se bousculent pour se faire ainsi créer une identité, une fausse identité, une identité d'emprunt.

Aux prix des millions, ils se font « lancer ». Les plus friqués vont jusqu'à se faire dédicacer des chansons entières. Le tout dépendant des billets verts à glisser entre les mains de l'artiste compositeur. D'ailleurs, les prix des « mabanga » se substituent même aux droits d'auteur et deviennent cause des dislocations de certains orchestres. Les animateurs subitement n'hésitent plus quitter leurs patrons pour créer leurs orchestres où, confondante composition artistique musicale et cris, les « mabanga » et les animations deviennent chansons. Mulopwe dit Bill Clinton en est un exemple. Si jadis les musiciens dédicaçaient leurs chansons à leurs amis et quelquefois aux mécènes, actuellement c'est à chaque album qu'on a une ou deux chansons dédiées à une célébrité inconnue. Le nombre des personnes nominées et dédicacées dans chaque chanson devient si important au point parfois de pouvoir même étouffer la chanson.

Hormis les vieux de Bana OK qui continuent dans leur style de ne citer qu'une ou deux personnes dans leurs chansons, tout le monde a mordu l'appât des « mabanga » : Werrason, JB Mpiana, Koffi Olomide, Madilu System, Papa Wemba, pour ne citer que ceux-là. D'ailleurs, ils s'en défendent, les mabangistes eux-mêmes. Autant les musiciens les recherchent autant les personnes à dédicacer les chansons approchent les premiers. Le montant de la transaction dépendant de l'initiateur.

Encore un autre changement capital

Si les anciens s'arrêtaient à citer les noms ou surnoms, la nouvelle génération invente des attributs, les épithètes, les compléments des noms. Le seul but étant de pouvoir placer le nominé et le dédicacé dans une sphère proche de l'Olympe. La sensation, disent les personnes qui sont ainsi « lancées » ressemblent, disent-ils, à un homme dont l'épouse a donné naissance aux jumeaux. Le phénomène devient ainsi un phénomène de société dans une société déjà des phénomènes. Hélas, contrairement aux anciens où effectivement le musicien est un phénomène dans son art (Franco est le grand maître de la guitare, Tabu Ley a une voix qu'on dit angélique, Mpongo Love n'a pas d'égale, les coups de reins de Tshiala Mwana dansant le « Mutwashi » sont sans concurrente, etc…), Les phénomènes nouveaux se cherchent encore et recherchent confirmation. D'ailleurs, dans sa chanson « Phénomène », Mbilia Bel exige, pour cela, du temps : «Phénomène akei na ye, akei na ye. Phénomène azongaka sima mbula ntuku misato, akei na ye » (Comme un météore, le phénomène s'en est allé. Le phénomène revient après trente ans, le voilà parti)

Nous sommes dès lors dans un société des phénomènes non-phénomènes, des héros sans lettres de noblesse. Puisque le phénomène « mabanga » devient ainsi un phénomène de société, la grande crainte serait de le voir corrompre voir inoculer d'autres secteurs de la vie sociale congolaise, avec le même effet : créer des personnalités de surface et superficielles, des héros de façades. Malheureusement, c'est qui semble être arrivé. L'un des premiers secteurs à avoir été ainsi contaminé est la presse. Peut-être par effet de proximité.

La presse s'en mêle…

Actuellement, le phénomène « mabanga » a glissé et ce sont même les hommes « nouveaux » de médias qui se concurrencent avec les musiciens en ce que leurs émissions sont aussi pleines des « mabanga ». On n'a plus à faire aux mécènes ou aux sponsors d'émissions dont les bandes défilantes passaient au bas de l'écran ou à la fin d'une émission, mais on a à faire plutôt aux journalistes qui, au cours des émissions, citent des noms des messieurs ou terminent un programme avec une litanie déclamée, sans trop savoir l'apport de ces noms dans l'émission ou programme. D'ailleurs, le journaliste célèbre est le présentateur, il joue le rôle des « atalaku » dans la chanson. Ce phénomène s'est surtout accru depuis qu'un genre nouveau de la presse voudrait que le direct, la télévision réalité, devienne le maître-mot de la presse actuelle. On place sa caméra et on balance les images sans un travail de critique ou de management de l'information. Dès lors, ce qui importe ce ne sont plus les contenus des émissions ou des programmes, mais une attention est accordée plutôt aux nominés et un chacun voudra s'offrir une place de choix dans ce panthéon artificiel. D'ailleurs, à Kinshasa, ce sont les porte-parole des orchestres, qui, comme avec les « atalaku » ont récupéré la chose. Chaque dimanche par exemple le spectacle est incroyable dans les chaînes de télévision de Kinshasa où les après midi sont réservés à la musique et au sport.

La « titrologie »

D'ailleurs, la même pauvreté et sécheresse dans le journalisme est à rapproché aussi avec un autre phénomène, tombeau de la presse écrite actuellement, dont le néologisme est puisé de l'humour ouest africain : la « titrologie », née aux lendemains de l'avènement des nouvelles démocraties et de la liberté de la presse autour des années 90. Ayant difficile à se vendre à cause de la modicité des moyens des lecteurs, les journaux développèrent une écriture basée sur des titres pompeux et ronfleurs aux contenus vides et creux. Car, le lecteur, lisant les journaux étalés par terre ou exposé sur un étendard, ne lit que les titres et se met à se les faires commenter par des commentateurs attitrés et formés eux-mêmes en « parlement-debout », une démocratie récupérer par la rue dont les plus en vue sont les parlements sous les acacias de Limete, quartier résidentiel ou se trouve le siège de l'UDPS et d'Etienne Tshisekedi. Les journalistes et les lecteurs ne sont plus que des « titrologues », les premiers écrivant pour les seconds et les seconds imposant une écriture aux premiers.

Lorsque le politique et le religieux s'en mêlent…

On aurait pu conclure que le phénomène « mabanga » est un phénomène d'une société congolaise en quête d'identité pour le commun des mortels seulement, mais depuis peu, les hommes politiques, et parfois non pas les moindre, des chefs d'Etats, des présidents des Parlements, des ministres, se font aussi lancer ces « mabanga », sans qu'on ait entendu une quelconque protestation de leurs services. Ce qui fait dire que faute de le vouloir eux-mêmes, ce sont parfois leurs services de propagande qui allument les mèches pour que d'autres phénomènes ne viennent annihiler les politiques, toujours en quête de publicité et de gloire. Car, leurs oeuvres, à compter sur les bouts des doigts, sont loin de porter leurs gloires aux firmaments et de génération en génération. L'exemple fut par exemple donné par l'Eglise Catholique qui a interdit énergétiquement au chanteur Koffi Olomide d'user du sobriquet de Benoît XVI…

Mobutu qui s'arrogea le sobriquet d'Emeneya en devenant lui aussi « Ya mokolo oleki bango »  ; quant à Laurent-Désiré Kabila et Papa Wemba, il est difficile de savoir qui est le vrai « Mzee » . Si le Colonel Raus, jadis commandant de la ville de Kinshasa dont l'évocation de son célèbre Kin-Mazières fait frémir plus d'un congolais, Christophe Muzungu reste l'imperturbable « premier citoyen de la ville » du temps où il était gouverneur de la ville de Kinshasa. La transition et surtout les élections ont aussi apporté son petit lot des nominés : « Vital Kamhere le pacificateur » , pour ne citer que ce cas. Mais, là où le phénomène mérite attention, c'est lorsqu'il traverse les frontières et que des chefs d'Etat étrangers s'ajoutent ou s'agitent aussi dans la proclamation. Soit eux-mêmes, soit leurs proches ou leurs épouses. Trois reviennent souvent : Sassou Nguesso, Omar Bongo, Obiang Ngiema.

A côté du nouveau politique, le nouveau religieux ou pasteur des « églisettes des sommeils et des rues » constitue un autre phénomène nouveau dans la société congolaise. Là aussi, en quête de popularité et de renom, après avoir recouru à toutes les trouvailles de la magie noire et de la sorcellerie empruntée des catcheurs et autres maîtres des arts martiaux, le nouveau pasteur s'est aussi taillé sa place dans le monde des « mabanga ». Les pasteurs célèbres sont célébrés et nominés. Dénis Lessie et son « nzondo » reviennent aussi très souvent sans que quelqu'un se posât la question de savoir ce que signifie au juste le mot « nzondo ».

Les nouveaux phénomènes

Pour paraître fidèle et sérieux envers lui-même, le musicien nouveau se fait lui-même phénomène, il s'autoproclame héros et il est prêt à abandonner son nom pour tout nouveau nom apparaissant dans la société. Il se crée un déguisement nominal déboussolant. Il change de noms comme on changerait des chemises.

On sait que les musiciens se faisaient entourer de plusieurs sobriquets qui étouffaient parfois leurs vrais noms. Antoine Nkalossoy devint Wendo et Wendo Sor (de Windsor) depuis le jour où le gouverneur Pétillons avait eu ce commentaire à son sujet qu'Antoine Nkalossoy bondissait comme les amortisseurs de sa voiture Windsor ; Pascal Tabu qui devint Tabu Ley est « Le seigneur » Rochereau ; François Luambo Makiadi est Grand Maître Franco de Mi Amor dit Oncle Yorgho Fwala ; Joseph Kabasele est Jef Kallé, Lutumba Ndomanueno est Simarro Massiya le poète, Nicolas Kassanda est Docteur Nico, sorcier de la guitare, Verkys Kiamwangana est l'homme aux poumons d'acier, Jos ky Kimbukuta est Djo Sexe le Commandant, Madilu est Système, Ndombe Opetum est Pepe Ndombe, Manuaku est le sorcier de la guitare, Mbilia Bel est la Cléopâtre, Abeti Masikini est la tantine, Evoloko Atwamo est Joker la carte qui gagne, Dido Yogho est la voix la plus cassée, Kabasele Yampanya est l'éléphant de la musique congolaise. Ainsi répertoriés, ces musiciens effectivement ont excellé dans leurs arts et dans leurs domaines au point d'en devenir de vraies références pour le futur et pour la jeunesse.

La différence actuelle est que, contrairement à cette génération-là, la nouvelle des « mabanga » a du mal à garder un seul sobriquet au point de perdre son latin en voulant les suivre. Les musiciens donnant l'impression d'être mal à l'aise dans leurs peaux, bradent leurs noms et sobriquets. Le musicien se clame lui-même « phénomène », comme Werrason, le « phénomène de tous les phénomènes ».

Dans cette litanie, c'est Koffi Olomide et Papa Wemba qui, à notre avis, battent le record de tous les « se-sentant-mal-dans-leurs-propres-peaux». Papa Wemba est Shungu Wembadio, Ekumany, Vieux Mzee (remarqué la tautologie) Fula Ngenge, Vieux Bokul, Kuru Yaka, Mangrotoko Grand-Prêtre, Bakala dia Kuba, etc… Koffi est Papa Plus, Papa Sucre, Quadra Koraman, Tshatsho. A leurs côtés, il faudra ajouter Emeneya Kester dit le King Kester, Nkua Mambu (le propriétaire de tous les dossiers, comme aurait dit Awilo Longomba), Muntu ya Zamani, Ya mokolo oleki bango, Muntu Mukuabo, puis il fut « Jésus » aux premiers jours de son Orchestre Victoria Eleison (alors que son alter ego Bipoli na Fulu se fit appeler « Nzambe Tata ne Yezu »), etc. Noel Ngiama Makanda est phénomène par excellence, il est Werrason le roi de la forêt, le roi de la jungle, le roi des animaux « mokonzi ya banyama » (le roi des bêtes) ; JB Mpiana est le souverain premier, l'unité de mesure, Bin Adam, Salvatore del Patria (le sauveur de la patrie), le héro national ; titre disputés d'ailleurs avec Koffi Olomide et Madilu qui semble être le véritable Héros national. En fait, on se retrouve parfois dans un parterre des rois sa ns qu'on sache au juste leur ordre de préséance à donner des vertiges aux protocoles : Marie Paul est le roi soleil (qui montre le chemin), Kester Emeneya est le roi de Masatomo , le « King », Werrason est le roi de la forêt . Lorsque Adolphe Dominguez quitte Werasson, il est alors Cassius Clay, Mohamed Ali, Trinita Bush; Blaise Bula dit Ingénieur, est Alpathino, Diego Cao en même temps que la boussole . Il faudra simplement s'arrêter sur chaque nom, deux fois, le retourner, pour voir leurs côtés hilarants, vides et vidés : en quoi JB Mpiana est-il sauveur de la patrie et Koffi est le héros national ? Le musicien se crée une identité, dans le même esprit des héros non-héros. C'est Koffi qui pousse l'opprobre jusqu'à la lie en se faisant même appeler Benoît XVI et actuellement Nicolas Sarkozy.

Parmi les musiciens nombreux vont jusqu'à prendre comme surnoms des noms des villes et des pays étrangers. Donnant toujours cette impression qu'on se sentirait mal à l'aise dans son bercail. On trouve ainsi Burkina Faso, Japonais, Zimbabwe.

Les dénominations des orchestres

La même bagarre se répercute aussi dans les titres des albums et surtout dans les dénominations des orchestres, lorsque ceux-ci se disloquent, Kinshasa étant la seule capitale musicale où les dislocations des orchestres et le vagabondage des musiciens causeraient des vertiges. D'ailleurs cela traduirait ce phénomène des individus se sentant mal à l'aise dans leur seule peau. Pour monter le pouvoir de contagion, la chose est reprise par le monde politique avec des conséquences grave pour la constitution de la nation elle-même. On perdrait son latin en schématisant les dislocations des partis politiques au Congo et surtout en pariant sue le vagabondage des hommes politiques.

Wenge Musica BCBG 4X4 tout terrain se disloqua en Wenge Maison Mère (Werrason), Wenge BCBG (JB MPiana), Wenge la Référence (Manda Chante), Wenge Tonya Tonya (Adolphe) ; Zaiko Langa-Langa a eu aussi son éclatement avec Zaiko Familia Dei et Zaiko Kolo Mboka, alors qu'il fut l'origine de Langa-Langa Stars, qui engendra Choc Stars, Big Stars de Defao et Anti-Choc; l'OK Jazz, après la mort de Franco est devenu « Bana OK » et engendra, sans lendemain « Bana OK International » ; au Quartier latin de Koffi, c'est à chaque défection que ses ouailles croient le gifler en créant « Quartier latin Academia » et autres ; Victoria Eleison Dream Team, Dream Band engendra le Dream Team, Dream Band. Le recul nous fait découvrir que Wendo avait son Victoria Léopoldville tandis que son ami de toujours Paul Kamba avait son Victoria Brazza ; African Jazz de Jef Kallé s'émietta en African Fiesta, African Fiesta Sukisa, Afriza, Afriza International. Rares sont ceux qui quittent un tronc premier pour créer leurs nouvelles initiatives : en quittant Zaiko Langa-Langa Papa Wemba a crée son Viva la Musica et en quittant Viva, Kester a fondé Victoria Eleison ; parti de Viva aussi Reddy Amisi fonda son « La Casa do Canto ». En fait, dans un même mouvement de recherche de fausse identité, le musicien, quittant un tronc commun, pense que la première identité et nomination est à elles seules porteuses de renoms et dé célébrités, au point de penser qu'elles ferraient d'elles seules des orchestres.

Les titres des albums

En feuilletant les titres des albums de la nouvelle génération des musiciens congolais, on doit se sentir flatter par l'usage de l'imagination créatrice, proche des rêves fantasmagoriques, dans le titrage de leurs opus. On se demanderait d'ailleurs si eux-mêmes en sont conscients de la profondeur de ces noms. Koffi a eu ainsi Loi, Ultimatum (qui impose une limite à une loi) , Droit de véto (qui abroge la loi) , Affaire d'Etat (pour non respect à la loi et au véto) , Force de frappe (pour en finir une fois pour tout) , Effraka (qui a tout fracassé, la force utilisée ayant été trop forte) , Monde Arabe (où l'on revient à la jungle puisque personne ne respecte la loi) d'où un Attentat ; Kester Emeneya a chanté Mboka-Mboka (où le musicien devient un vrai nomade et troubadour) , d'où il lui a fallu un Nouvel ordre, car son histoire est une Longue histoire à ne raconter que « Le jour le plus long » ; Werrason a commencé avec Force d'Intervention Rapide, puis Solola Bien, question de calmer les nerfs et de revoir ses forces, puis Kibwisa Mpimpa, éclipse solaire, pour plonger tout le monde dans le monde des ténèbres om régnerait des adeptes de l'opération dragon (Epela Moto !), d'où il es sort avec un Témoignage qui vient après une Alerte générale car « baliaki biloko ya mbwa ba préparer mbango » et maintenant tout le monde est plongé encore dans le Sous-Sol ; JB Mpiana après Feu de l'amour, vint avec Titanic qui, puisque chaviré avait besoin d'Internet, « mbwa eswi mbwa. » , etc.

Quelques « mabanga »

Il faudra parcourir tous les génériques des derniers albums de JB Mpiana, Papa Wemba, Werrason, Koffi Olomide, Felix Waezekwa, Kester Emeneya, Madilu System, Manda Chante, Fally Ipupa, Ferre Chair de poule pour recueillir les « mabanga ». Nous avons tenté l'exercice et en avons retenu quelques-uns, sans pour autant dire qu'ils sont les plus en vue.

Jaques Ilunga, étage ya suka (au dessus duquel ne peut se retrouver aucune autre personne) ; Franc Kapaya de l'Univers  ; Serge Kassanda, FMI (Fonds Monétaires International) ; Adam Bombole, le Grand Saoudien (car, il n'a que foutre de la hausse ou la baisse du dollar - « ye aza ! ») ; Alisi Baba est tantôt un prince au Congo , tantôt le roi  ; Hugo Tanzambi, dix ans de métier (de change) ; Didier Kinuani est l'infinitif (qu'on peut conjuguer en matière d'argent) le sauveur de l'humanité puisque grand acheteur des pierres (entendez des diamants) ; Herve Fulgence est le Boss , Didier Ntele est le Coffre-fort mbongo ebele (bourré d'argent) ; Mike Balusa Bokulaka ; Didier Franck le Sanhédrin (c'est lui dicte la loi) ; David Ilunga le président ; Titi Molato Full boss  (sans égal) ; Yula Yula le monument (il n'a même pas besoin qu'on le présente) ; Francis Roi de Gaule (Paris et France sont à lui) ; Didier MPeti le sultan de Namur (en plein monde arabe, il est le numéro 1) ; Ya Francis Tshilombo solution (de tous les problèmes) ; PDG Moussa le grand patron ; le bourgeois gentilhomme Adam Bombole ; Costan Omari l'homme moderne ; Michel Kabeya le grand prêtre ; Jean Marie Molato au-dessus de la mêlée ; Le PDG Ibrahim l'homme d'en face ; Koko Malanga le new cavalier ; Dany Ndende Real de Madrid , l'homme qui arrête le temps ; Cardoso Mwamba le Bill Gate ; ambassadeur Votesinga le supérieur ; Safi Ndomba de génération en génération (on parlera de lui), Pitchen Mukulayanga mwana moke na ba ngenge na ye ; Lumukamba l'homme qui a osé ; Alain Mpeti la garçon le plus suspect ; Richard Tshiteya le grand baobab ; Valentin PDG TH ; Getu Kona la dame des dames, mwasi kitoko ; Shary Sharufa, la dame de Bruxelles ; Bruno Matadi mobali ya tembe ; JL Ikoli le Quay d'Orsay ; Bado Martens l'éléphant du Golfe ; Dédé Kelo production, Plein de bonne manières ; Bruno Tika Mobali ya nguya, ba mbongo ebele ebele ; le grand baron Léonard Waku ; le silence d'or Patsho Muluba le capitaine des vaisseaux ; Jean-Dominique Okemba le train spécial (qui mène partout et à destination) ; Tony Wikele la nouvelle fréquence ; Jojo Dona Gracia la premier dame de Joburg ; Etats-Unis Kabaka Muzunga (qui dirige le monde); Ntumba Masikini le grand bailleur des fonds ; Patrick Bolonya huitième merveille, la couleur d'origine, l'homme de la race rare ; Fortina Izebo hors du commun ; Nancy femme d'affaires ; Bambala toujours présent ; Le Brun Masela Champs Elisées (par où passe le président élu), Fugy Torro le pétrolier ; Jean Matundu au-delà de la fortune ; Hugo Bakomba l'invisible ; Hilaire le leader des New Jack ; Papson Izebonga l'Unité centrale (qui commande tout) , Richman Anse le seul ; Fidel le Castro le champion vieux Franck Kabeya ; Didier Kinuani l'infinitif (qui ne peut être conjugué) ; le boursier Mubiala Mayenge ; l'empereur Kandolo ; Gabin Tshiteya Mulopwe le maximun de respect ; Ya Guy Mwadavita la banque de France (prête à tout prêt) , Mama Charufa la première dame de Belgique ; Patcho Muluba le silence d'or ; la grande puissance Serge Kamitatu ; Engambe Edo, Ya Djo Bakali ; Seke-Seke Oza prêtre ; Michel Ladi Luya, la plume d'or  ; Moule-Moule, Soda ya poto ; Tshiba-tshibasu, bendele makasi  ; Christophe Muzungu, le premier citoyen de la ville  ; maître Jules, l'initiateur ; Sulutani Sulemani, Transport en commun ; Dédé Monyato Top Crédibilité ; Christian Emanu l'homme à abattre ; Fabien Universel, l'espoir de la nouvelle génération ; Solange Camara, la diva supérieure ; Souris Djani ; le garçon de classe ; Rento l'Etoile du nord ; Ya Philo Tour du monde ; Le PDG KTC Contactez toujours ; Claude Ngoma le baron ; Julien Yangi, Monsieur le fonctionnaire ; Pa Muke Tour Eiffel ; Lukako le Béninois ; Didier Kani, Zidane ; Le Génie de l'Ouest , Constant Lomata ; Patrick Bolonya, couleur d'origine ; Gilly Ilumbe, Queen mother ; Riva Menga, le héros dans l'ombre ; Bruno Matadi, L'homme en question ; Eric Tola, l'empereur Hiro-hito ; L'espoir de Chicago, Gérard Lambo ; Jeampy Mungala, la bombe d'Iroshima.

La vraie question à se poser

Si les « mabanga » ne peuvent pas être interdites ou censurées, la vraie question qu'on devrait se poser, pour tenter de s'exorciser, est celle de savoir quelle serait la philosophie sous-jacente de ces « mabanga ». Car, la chose devient plus inquiétante lorsqu'on sait qu'au Congo, il est dit au sujet de ces phénomènes nouveaux ainsi déifiés que « bango bato baz'osala que biso tozala » (Ce sont eux – les phénomènes - qui sont la cause première de notre existence). Il est impérieux et un devoir d'Etat de savoir et de passer au peigne fin la vraie identité de ces nouveaux créateurs d'existences artificielles et superficielles, pour ne pas avoir affaire demain à une société congolaise en dérive. Hélas, la crainte est qu'on soit proche de cette crise de modèle. Surtout lorsqu'on sait qu'une génération, la jeunesse, copie des modèles, se laissent bercer par leurs illusions, se laissent traquer par leurs rêves et leurs fantasmes. On doit s'habituer à un exercice, celui de ne pas dire qu'il est « Ya Mokolo oleki bango » (primum inter patres), mais de se demander chaque fois « aleki bango na nini ? » (en quoi est-il le premier d'entre tous). Ainsi, lorsque l'un se dit « sauveur de la patrie » , il faudra alors se poser la question de savoir ces actes de bravoure et grandioses qui lui valent ces honneurs patriotiques. Lorsqu'on dit « vieux na biso très très fort » , il faudra, pour être complet se demander « en quoi est-il devenu subitement très fort » . Et ces questions posées à tous les attributs des « mabanga » montreront rapidement, qu'en fait, on vit réellement dans une société des phénomènes négatifs ou, pour reprendre le titre ci haut cité, un monde des « zéheros » devenus héros. Alors, il y a danger car la jeunesse risque de copier des valeurs négatives. D'ailleurs, « Vieux Mzee Fula Ngenge » (Celui qui souffle le renom) a montré sa réelle valeur lorsqu'il s'est trouvé sous les verrous, avec les poches vides, ou comme les confessions de Koffi, à en croire Emeneya dans la fameuse affaire « Maïsha Parc », qu'en fait, il n'est pas un phénomène modèle pour la jeunesse.

Il faudra peut-être jeter un coup d'œil aussi sur ces leaders ainsi nominés et dédicacés pour se rendre compte du poids du discours, de l'incongruité des titres, de la rigolade dans les attributs, de la débrouillardise dans la quête d'identité qu'ils portent. Certes, on ne saura peut-être pas proposer une solution thérapeutique. Inviter à la morale ou à l'éthique est encore une utopie, demander à la commission de censure de se mettre au travail est un rêve d'enfant, exiger même au politique une réglementation mise à jour est une fantasmagorie. Mais, peut-être que le simple constat, l'étalage du ridicule sur la place publique, ferrait prendre conscience, inviter à la critique. C'est l'objet premier de ces lignes.

D'ailleurs, un petit coup d'œil rapide dans les titres des albums de nos musiciens et de leurs chansons, consciemment ou inconsciemment, lorsqu'on s'y penche montrent qu'on est vraiment dans cette société des phénomènes non-phénomènes, ou, pour mieux dire, on vit dans une société congolaise en quête d'identité, en quête de héros, en quête de leadership. Les leaders actuels, en tout point de vue et toute tendance confondue, n'étant que des leaders de transition. Ce qui a fait dire à Etienne Tshisekedi, le leader maxumo, qu'il faudra à la société congolaise un leadership de sauvetage .

Point d'interrogation…

Une société peut s'analyser par ses fantasmes, ses rêves et ses héros. Ils sont ceux que tous veulent imiter, surtout les jeunes qui constituent ce qu'on peut dire l'avenir de demain (et d'aujourd'hui). Les héros se créent et se reconnaissent par les hauts-faits d'armes. Mais, la nature ayant horreur du vide, faute de vrais héros, comme le conseilla Jésus, les « zéheros » prennent le devant de la scène, en espérant qu'un jour, les vrais héros puissent revenir et renaître et renvoyer les héros de substitution au placard. Le phénomène « mabanga » risque d'être révélateur de la société en crise de modèle.

Pour comprendre le questionnement, il serait peut-être intéressant de rapprocher la musique et le musicien congolais avec d'autres formes de musiques et avec d'autres musiciens, ainsi on pourra évaluer le faussée dans lequel se trouve la musique congolaise actuelle, par rapport à son rôle de gestionnaire et de manager de l'imaginaire collectif. Certes, ce n'est pas la musique et le musicien seuls qui crée ce nouvel espace vital de substitution, mais, mutatis mutandis , il en est son reflet et peut-être son inspirateur et son aspirateur. D'où, s'il prenait conscience de ce rôle, peut-être que le musicien et la musique deviendraient des moteurs de changement et de progrès, non pas seulement pour la société, mais pour eux-mêmes et pour elle-même. Car, à analyser notre musique de la génération « ndombolo », force est de se rendre compte qu'elle n'évolue pas, elle ne permet pas à son homme de vivre de son art, elle est pauvre, elle ne s'invente plus, elle se copie, depuis belle lurette. C'est à peine si on sait la différence, en tout cas pour les dégustateurs non Congolais, entre les orchestres, les rythmes, les cris. La fameuse histoire de « Maisha Parc » en est une illustration. Le musicien et la musique, pauvres et appauvris, ne doivent ainsi leurs survies qu'en devenant troubadours et thuriféraires aussi des non existants comme eux-mêmes, le semblable n'étant connu que du semblable, qui se ressemble s'assemblant normalement. D'ailleurs, la seule façon pour eux aussi de ressembler à ces héros non-héros, c'est-à-dire qu'on loue sans qu'on sache réellement leur haut faits d'armes (en quoi Christophe Muzungu continue-t-il à être le premier monsieur de la ville ? En quoi Jeampy Pipina est-il Musenzi na diamant ?) est de porter eux-mêmes aussi des noms aux accents dictatoriaux. Ils sont tous rois, numéro un, souverain et suzerain.

Comparaison n'étant pas toujours raison, il conviendrait simplement analyser le rôle et les thèmes profond des chansons du reggae ivoirien chez Alpha Blondy et Ticken Jah Fakoly sur la situation actuelle de la Côte d'Ivoire. On se rend directement compte que le musicien, l'artiste, le héros, de ce côté-là, a quelque chose à offrir et même à s'offrir. Alors que chez le musicien Congolais, on sent même cette requête perpétuelle du renom, faisant de lui un éternel aigri dans sa propre peau, ne pouvant se complaire et se plaire que dans des noms d'emprunt et de substitution, comme le démontre de nombreux sobriquets que s'accordent les musiciens congolais. Il est hors processus et s'est mis hors circuit normal. Lorsque Koffi par exemple a essayé de chanter « Affaire d'Etat » , le thème s'est trouvé directement annihiler par la forme et le plastic qui était loin de refléter la quintessence du titre. La profondeur d'une affaire aussi sérieuse que l'affaire d'Etat s'est retrouvé bradée et par la musique et surtout par le sebene qui s'en est suivi. Surtout lorsqu'on sait que l'album vient après Droit de veto, Ultimatum, Loi , précédant le Monde Arabe , « monde ya nko, monde ya béton. » . Un vrai gâchis esthétique, car la forme contrecarrant le contenu !

Ceci devient encore plus grave lorsque la société cherche aussi à s'identifier avec ces substitutions, selon la maxime populaire congolais « Vieux na biso, ye moto as'osala que biso tozala » (notre maître qui est la source de notre existence). Comment un être non existe réellement ou n'existant que par des substitutions peut-il devenir la référence à l'existence de tout un peuple ?... C'est que ce peuple lui-même est en quête d'existence comme le démontre ces nombreux « mabanga ». Car, si Serge Kasanda était réellement « FMI », si Francis Kalombo était réellement « Solution », Adam Bombole « le grand saoudien », la société congolaise sortirait déjà de la crise actuelle. Mais, pire et chose inquiétante, lorsque le politique et le religieux, qui, par définition, doivent être sel et lumière de la société, entrent dans ce engrainage, c'est que le changement qu'on attend qui risque d'être renvoyé aux calendes grecques.

De Mabanga aux systèmes

Pour ce nous concerne, le phénomène « mabanga » ainsi analysé devient tout simplement le paradigme d'un phénomène de société dans une société des phénomènes non-phénomènes. Ainsi au lieu d'avoir à faire aux stars, aux éclaireurs, la société congolaise, en attendant un leadership de sauvetage , se complaint et se plait dans cette bouillabaisse. D'où, il lui faudra inventer d'autres schèmes qui lui serviront d'étalon de vie. La même imagerie n'est pas allé loin, elle a trouvé le phénomène dit « système » qui se substitue presque à la loi, puisque celle-ci est quasi inexistante. D'ailleurs, il faudra ne pas oublier encore que tout part encore de Pépé Kallé qui a chanté « Article 15.»

Demandez à tout kinois, on vous dira dans quel système sommes-nous actuellement. C'est encore lu musicien qui joue à la fois le rôle du prophète des systèmes ou de son vulgarisateur. On est passé de système ya Lifelo (moto ez'opela kasi tozozika te – le feu brûle mais ne consume pas), au système ya Kung-fu (obeti gauche, obombi droite – user du bras gauche et garder le droit en réserve, car on ne sait jamais), via système ya pic méchant (Olei te balei yo, soki balei yo, olongwe – attaquez à temps, sinon on est attaqué et on doit quitter la scène), sans oublier système ya Monde Arabe (l'homme est le loup pour l'homme), puis système ya kubu-yuyu , le plus complexe à expliquer. En fait, c'est le système où le pays est représenté par un terrain de football où les gazons sont en fait des débris des verres, l'arbitre étant lui-même aveugle, les supporteurs étant des enfants de la rue, tandis que les juges de touches aveugles. LE comble de ce système est que le ballon lui-même est en acier dur. Comment le jouer alors?... Il faudra le pousser au revers du pied. Voilà comment la société congolaise se décrit elle-même par les détours et les recours aux langages et aux railleries. Le phénomène « mabanga » est le retour de l'ascenseur que la société se voit renvoyer, une façon de se regarder et de s'analyser. En fait, la société est en crise, crise de modèle, crise de leadership. Pour s'en sortir, il faudra d'autres leaders, avec d'autres idéologies.

Conclusion

Le phénomène « mabanga » est révélateur d'une société congolaise devenue une société de résignation et béni-oui-oui. Contrairement au reggae ou au rap, la musique congolaise dite de « Ndombolo » est un opium pour la nation… Surtout qu'il plonge la société dans un autre système, comme le dit bien un sobriquet d'un musicien : Vieux na biso système ya KVK , entendez « Kwenda-Vutuka-Kwenda » où le congolais risque de se sentir mieux ailleurs, laissant le chez-soi gérer par autrui.

Bien plus, ce phénomène ne risque-t-il pas de plonger et contribuer à l'amnésie collective qui fait que le Congolais reste toujours nostalgique de ces héros-non-héros et refusant de les croire morts ? Même si Mobutu, par exemple, n'est pas la cause de tous les malheurs actuels du Congo, avec sa contribution dans le chao congolais actuel, pouvoir penser que dans la situation actuelle son retour ou sa réincarnation serait une solution, relèverait de l'amnésie, cette utopie huilée par le phénomène « mabanga. » D'ailleurs, les dernières élections ne furent que tintées par ces « bruitages » des candidats sans fond et sans programme réel, se servant des « mabanga » pour se faire un renom. Ils furent votés, non pas à cause de leurs approches nouvelles à la crise, mais simplement à cause des slogans et des ombrages crées en lieu et place et de leurs vraies identités. Pour ne prendre que les deux chalengeurs : Joseph Kabila a prouvé directement qu'il n'était pas « mokumbi maki » , le porteur d'œufs, car, à la moindre contestation, il a cassé les œufs, en usant de la force la plus meurtrière ; tandis que Jean-Pierre Bemba est tout sauf « mwana mboka », car aux moindres bruits des bottes, il s'est envolé pour ses vrais cieux. Comme qui dirait, à paraphraser JB Mpiana dans un opus, le chien qui a montré sa vraie identité, une fois aidé à traverser la rivière. On est ainsi mal parti avec des dirigeants de surface.

Il faudra une vraie prise de conscience pour le musicien et pour la musique elle-même. Car, comment expliquer qu'à la moindre manne d'un mécène de substitution aussi que les orchestres se disloquent, que les Romains se poignardent ? Et qu'à la petite cagnotte présidentielle par exemple, ni le mécène, encore moins les artistes eux-mêmes, n'aient pas songé à moderniser leurs outils de travails, en construisant par exemple un studio moderne qui les mettrait à l'abri des frais énormes des studios d'ailleurs et des mendicités auprès des héros creux ?

Le phénomène “mabanga” ou dédicaces dans la musique congolaise est un phénomène de société ou une société congolaises des phénomènes non-phénomènes. Il est temps de s'y attarder, de le remettre en question, d'éviter d'avaler les « mabanga » au risque de se retrouver dans leurs mouvances comme ce jeune homme de Londres qui s'est retrouvé sous les verrous, en cherchant à se présenter dans un concert d'un musicien de passage, avec des vêtements griffés de substitution, pour ressembler à sa classe de substitution. Sans avoir recours à des statistiques fiables, mais il est d'avis de tous que, depuis la décision d'empêcher tout concert musical des musiciens congolais venant de Kinshasa, décision prise et imposée par un groupe des Congolais se disant eux-mêmes combattants et résistants, le nombre des congolais emprisonnés à Londres pour le motif qu'on savait courrant, a sensiblement diminué.

Il est grand temps que le musicien s'adonne à son art, qu'il réfléchisse pour l'améliorer et vivre de sa muse, à se vende à l'extérieur. L'art se déguste par son contenu et par sa forme, par son harmonie et par son rythme, par ses symétries et par ses figures de style. Dans leurs formes actuelles, les « mabanga » étouffent et ressemblent au bruitage, surtout que des nominés sont eux-mêmes des illusions de gloire et de grandeur. Mais, s'il le faut, l'artiste doit chanter les vraies gloires et les vrais modèles de société. Il s'en sortira gaillardie et l'œuvre serra immortalisé. Comme Jef kallé avec son Indépendance cha-cha-cha et Table Ronde , comme les autres avec Elo, Cheri Bondowe , etc. La musique et son homme gagneront ainsi en estime. Notre musique actuellement est proche de la distraction au lieu d'être objet de divertissement. Le musicien et la musique approchent du vulgaire et se distancient de la noblesse. Même nos chorégraphies deviennent proches du voyeurisme offusquent plus d'une sensibilité et ne fait pas inviter notre musique sur le perron des temples et des rois. Les mécènes, les vrais, se font alors rares.

Ceci n'est qu'une réflexion solitaire à approfondir. Car, contrairement aux autres formes musicales, malgré les bruits et la popularité légendaire de notre musique et de nos musiciens, trop peu d'études sont consacrées sur eux. Il subsiste une monotonie qui fait craindre la sécheresse. Le phénomène « mabanga » en est peut-être un simple iceberg, mais assez révélateur pour jauger notre musique, notre musicien et notre société tout entière.

Norbert X MBU-MPUTU
Journaliste, Ecrivain et Chercheur en Anthropologie et Sociologie.
norbertmbu@yahoo.fr
Newport, Pays de Galles (Royaume-Uni)

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