LE ROI LEOPOLD II COMME MODELE DE GESTION DE L'ETAT : ANTOINE GIZENGA NE DEVRAIT-IL PAS DEMISSIONNER !
Newport, 16 mars 2008. Qu'il existe un immobilisme au sommet de l'Etat est une vérité qu'aucun observateur ne peut dénier. Qu'une année après son investiture et surtout après des élections soutenues, financées, porteuses d'espoirs, les réalisations du gouvernement et des élus soient à compter sur les bouts des doigts, n'a pas besoin d'arguments ou de justification. Que le premier ministre soit invisible est encore claire comme le nez au milieu du visage. Mais, ce que d'aucun ne savait serait la façon pour le premier concerné d'expliquer cet état des choses, pour une des rares fois qu'il est appelé à le faire. Voilà que le premier ministre vient de révéler le fond de sa politique, ou mieux, son modèle politique : le roi des Belges Léopold II. Lumumba lui-même dans sa tombe va remuer ciel et terre. Dieu merci que les morts sont bien morts. Sous d'autres cieux où les hommes politiques sont évalués par leurs actions et surtout par leurs discours, les propos tenus par le premier ministre congolais Antoine Gizenga pour justifier son immobilisme, faute de n'être traité d'insulte à toute la nation et surtout lorsqu'on le sait lumumbiste, même si on sait que le mot n'a peut-être plus la même signification pour tous, aurait pu pousser l'intéressé à la démission ou, dans le cas d'une vraie démocratie où les députés et autres élus roulaient vraiment pour les intérêts supérieurs de la nation, on aurait déjà amorcé une procédure d' impeachment , c'est-à-dire de démission forcée de ce dernier.
Chaque congolais doit relire par deux fois le paragraphe contenu dans l'article de notre collègue Marie-France Cross. Elle écrit : « A cela s'ajoute l'invisibilité du Premier ministre octogénaire, Antoine Gizenga. Travaillant peu, il ne se déplace jamais sur les lieux de catastrophes, conflits ni même réunions importantes pour l'avenir du Congo. Interrogé dernièrement au Parlement sur son immobilisme, le Premier ministre a rétorqué à des élus médusés : « Le roi Léopold II, qui a fait le Congo, n'y avait jamais mis les pieds. » » C'est nous qui soulignons.
A moins qu'on nous replonge encore dans cette guéguerre de jadis Vital Kamhere/Jeune Afrique avec les propos tenus ou non tenus, on croit que les propos du premier ministre, puisque mis entre guillemets, se reportent à ses propres phrases prononcées. Sous d'autres cieux, ils auraient provoqués un levé des boucliers de l'opinion et le premier ministre, faute de ne démissionner, aurait pu présenter des excuses à la nation. Sinon, c'est d'ailleurs toute la coalition PPRD-PALU qui doit être trainée sur le devant de la scène : elle a trahit la nation et le peuple et elle n'est plus digne de le représenter et de le gérer. Prendre pour alibi et modèle justificatif de l'invisibilité le Roi des Belges Léopold II ?... D'où, une série des questions à se poser, faute de les lui avoir posées : Quelle est le mode de gestion et les méthodes de gestion de l'Etat léopoldien ?... Est-ce avec raison que les anglo-saxons par exemple, dont on sait avoir été les premiers à battre campagne contre les méthodes de Léopold II au Congo, avec des personnalités du reste moins connues de l'opinion congolaises que sont Edmund Morel, Joseph Conrad, etc… concluent que les vrais problèmes du Congo actuellement, pour reprendre les propos du Professeur Muzong lors d'une conférence à London School of Economics and Politics Science , sont à chercher toujours dans cette gestion léopoldienne de l'Etat ? Car, posons-nous la question, quel est ce fameux héritage léopoldien au Congo en quoi se réfère Gizenga : un génocide des millions des congolais avec des bras coupés, l'exploitation du Congo pour son seul compte, la mise sur pied d'une des polices les plus inhumaines, la Force Publique, dont la devise, encore utilisée aujourd'hui par la police et l'armée congolaises, héritée de Mobutu : « Civil azali monguna ya soda » (le civil est l'ennemi juré de l'homme en uniforme). Et c'est un tel personnage que le premier ministre prend pour modèle de gestion de l'Etat et justification de son immobilisme ! Chose curieuse lorsqu'on sait que le maître à penser du premier ministre, Patrice Lumumba, a dû fustiger ce comportement en prononçant ce discours moins courtois lors de l'indépendance, tout simplement parce qu'il avait appris que le roi Baudouin et le président Kasavubu allaient prononcer des discours qui allait souligner le rôle positif de la colonisation. Est-ce à dire que l'actuel premier ministre congolais et l'actuel régime, pourtant se réclamant du lumumbisme, n'ont plus rien avec leur sève vital, le fameux lumumbisme, façon de donner raison à cette phrase comique congolaise : « pasi ya Lumumba, bisengo ya Gizenga » (Gizenga tire profit des souffrances de Lumumba).
Dans l'opinion anglo-saxonne, une telle attitude et déclaration du premier ministre congolaise aurait des conséquences graves, surtout lorsqu'on sait que Mobutu a été toujours décrit comme un gestionnaire de l'Etat au modèle léopoldien, selon le livre très célèbre, du reste non traduit en français, de Michela Wrong, « In the Footsteps of Mr. Kurtz: Living on the Brink of Disaster in Mobutu's Congo » , Kurtz lui-même est ce personnage célèbre d'un autre petit roman célèbre de la littérature anglaise, «Heart of Darkness» (Au cœur des ténèbres) de Joseph Conrad, décrivant son voyage sur le fleuve Congo au début du siècle passé, avec comme point culminant sa rencontre à Kisangani avec Monsieur Kurtz, agent au service de Léopold II, avec un cruauté légendaire dont les prouesses étaient de voir sa parcelle clôturée avec des piquets sur plantés des crânes humaines des ceux qui n'ayant pas ramenés la quantité du caoutchouc voulu, avaient payé de leur vie. Est-ce à ce modèle auquel le premier ministre voudrait se référé ?
Mais au-delà des propos, ne devait-on pas en profité pour poser la question de fond, est-ce que le congolais et l'africain, fait-il bon usage de son histoire, même la plus immédiate ? On se souvient que la stupéfaction est venue, voici quelques années, avec ce discours du président congolais Joseph Kabila devant le parlement Belge. Les Belges eux-mêmes furent les premiers à se laisser ainsi pantois, à plus forte raison les congolais lumumbistes. C'est le président Sarkozy qui, avec son franc parlé, a rappelé aux africains qu'en matière d'histoire, nous avions encore du chemin à parcourir dans son fameux discours de Dakar. Hélas, je suis toujours en train d'attendre et de chercher les faits, puisqu'il s'agirait bien des faits, qui montreront que l'illustre invité s'était trompé. On a entendu des intellectuels africains se lever et promettre d'écrire, pour Sarkozy, un livre sur l'histoire de l'Afrique. Attendons voir la concrétisation du projet. La meilleure réponse serait de se poser la question de savoir quel serait le bon usage que les africains faisons de notre histoire. Le tigre ne clame pas sa tigritude , avait conseillé Wole Soynika aux chantres de la négritude, il saute sur sa proie . Hélas, les propos d'Antoine Gizenga donnent raison à Sarkozy. A moins d'une rectification, sous d'autres cieux, la procédure d'impeachment aurait déjà démarré. Car, non pas seulement qu'il ne fait rien, mais son modèle du pouvoir est suicidaire pour la nation, une insulte grandiose pour notre histoire.
Norbert X Mbu-Mputu
Congo Vision